un blòg sus la video-susvelhança

dimanche 20 décembre 2009

Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance

En août dernier, Le Figaro publiait un article explosif : Vidéosurveillance : le rapport qui prouve son efficacité.

"Un rapport confidentiel, dont le Figaro a pris connaissance, conclut, après analyse des statistiques de la délinquance sur la période 2000-2008, à l'effet dissuasif des caméras sur la voie publique", indiquait Le Figaro.


Contrairement aux études effectuées à l'étranger, qui toutes indiquent que la vidéosurveillance n'est pas, ou peu, efficace, sur la voie publique, le "rapport confidentiel" avance que les crimes et délits chutent deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles qui ne le sont pas, et que les agressions, qui ont progressé de 40% depuis l'an 2000, n'y ont augmenté "que" de 20%.

Dit autrement, ça ne baisse pas : ça augmente moins...

Au-delà, les spécialistes de la vidéosurveillance contestent aujourd'hui la plupart des affirmations de ce rapport: méthodologie erronée, rapport biaisé, statistiques tripatouillées... pour eux, le rapport ne prouve rien.

Le ministère de l'Intérieur vient de le mettre en ligne, et nous l'avons bien lu.


Alors, efficace, ou pas, la vidéosurveillance ?

Info ou intox ?


1. La violence recule-t-elle dans les villes vidéosurveillées ?

Le rapport avance qu'"en dessous d'une caméra pour 2000 habitants, les agressions contre les personnes progressent plus vite (+44,8 %) que dans les villes qui n'ont aucun équipement (+40,5 %)".

Dit autrement: le nombre d'agressions progresse plus vite dans les villes modérément vidéosurveillées que dans celles qui ne le sont pas…


2. La délinquance recule-t-elle dans les villes vidéosurveillées ?

Le rapport affirme que la délinquance générale baisse moins quand il y a plus d'une caméra pour 1000 habitants que lorsqu'il y a une caméra pour 1000 à 2000 habitants.

Dit autrement: plus il y a de caméras, moins la délinquance baisse...


3. La vidéosurveillance fait-elle fuir les délinquants ?

D'après le rapport, "l'effet « plumeau », c'est-à-dire un déplacement de la délinquance des zones sous vidéoprotection vers les zones non couvertes, ne semble pas avéré".

En fait, à bien lire le rapport, on découvre "48% des commissariats estiment qu’il est nul, 52% estiment qu’il existe, mais ne sont pas en mesure de l’évaluer"…

Dit autrement: les auteurs du rapport font dire le contraire de ce que plus de la moitié des policiers et gendarmes interrogés leur ont déclaré...

4. La vidéosurveillance améliore-t-elle les taux d'élucidation ?

Dans le rapport, on lit que "pour ce qui concerne la délinquance générale, les taux d’élucidation progressent aussi bien dans les zones avec ou sans vidéoprotection".

A bien y regarder, on découvre cela dit que les taux d'élucidation restent inférieurs dans les villes équipées de systèmes de vidéosurveillance que dans celles qui n'en ont pas.

Ce tableau montre ainsi que les taux d'élucidation en matière d'atteintes volontaires à l'intégrité physique (AVIP) est de 54,4% dans les villes vidéosurveillées, mais de 60,6% dans celles qui n'ont pas de caméras :

5. Mais la vidéosurveillance ne peut-elle pas faire chuter le nombre d'agressions ?

En théorie, si. Mais paradoxalement, l'efficacité de la vidéosurveillance se mesure à l'augmentation du nombre d'agressions constatées, expliquent Tanguy Le Goff et Eric Heilmann, les deux universitaires français spécialistes de la vidéosurveillance :

"Les études étrangères montrent que la vidéosurveillance a tendance à faire augmenter le nombre d'atteintes aux personnes dans les statistiques policières.

Les auteurs de ce type d'actes impulsifs ne cherchant pas à se cacher, ces faits qui pouvaient passer inaperçus auparavant sont un peu mieux repérés.

Si la vidéosurveillance n'a pas d'effet inhibiteur sur les atteintes aux personnes, leur baisse peut donc révéler en réalité l'inefficacité du dispositif."

Or, le rapport du ministère de l'Intérieur avance précisément qu'en France la vidéosurveillance aurait permis de contenir les atteintes aux personnes...

Dit autrement : en avançant que la vidéosurveillance a permis d'enrayer la violence, le ministère de l'Intérieur démontre indirectement l'inefficacité des caméras...

6. Comment expliquer que le rapport dise tout et son contraire ?

Parce qu'il mélange tout et n'importe quoi, explique Noé Le Blanc, auteur de plusieurs articles de référence sur la vidéosurveillance :

"C'est du grand Shadock. Quel sens cela a-t-il de vouloir mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance sur la "délinquance générale", qui regroupe tout aussi bien les vols à la tire que la violence conjugale, les infractions économiques et le non-respect du droit du travail, et donc des crimes et délits qui ne sont pas vidéosurveillés ?..."

Pour Tanguy Le Goff, auteur du tout premier "Etat des lieux des évaluations menées en France et à l’étranger" (qui concluait à l'inefficacité relative de la vidéosurveillance), la méthodologie est fausse :

"Les périodes ne sont pas les mêmes, le rapport mêle HLM et zones commerciales, centre villes et moyens de transport publics… et compare des choses qui ne sont pas comparables. De plus, il faudrait au minimum isoler les autres facteurs qui entrent en ligne de compte : en l’état, il est impossible de réussir à identifier l’effet propre de la vidéosurveillance : la méthodologie est fausse."


7. Mais pourquoi le rapport conclut-il à l'efficacité de la vidéoprotection ?

La "lettre de mission" envoyée par le ministère de l'Intérieur aux auteurs du rapport permet de comprendre l'origine de la manip':

"Le développement de la vidéoprotection est une priorité du Ministre (qui) vise à tripler le nombre de caméras sur la voie publique. Afin de permettre aux collectivités locales de se lancer dans cette stratégie dynamique, il convient de mettre à disposition (...) des arguments propres à soutenir leur adhésion."

Il ne s'agissait donc pas de vérifier si la vidéosurveillance est efficace, ou non, mais de fournir des "arguments propres à soutenir l'adhésion" de ceux qui vont devoir payer le triplement du nombre de caméras voulu par le ministre…

Une mission que ne pouvait pas refuser les auteurs du rapport, hauts fonctionnaires placés sous l'autorité directe du ministère de l'Intérieur… Un peu comme si un industriel du médicament demandait à ses conseillers de lui pondre un rapport sur l'efficacité de ses produits, afin d'en tripler les ventes...


Et maintenant? Nous avons besoin de vous !


Depuis la sortie du rapport, Brice Hortefeux a de fait annoncé un plan de cofinancement de 75 villes prioritaires. Dans la foulée, François Fillon a quant à lui annoncé qu'il doublait le budget dédié à la vidéosurveillance.

Le Post, lui, a décidé de dresser la carte de France des villes placées sous vidéosurveillance. D'après le ministère de l'Intérieur, plus de 1500 villes sont équipées de systèmes de vidéosurveillance.

Mais son rapport n'en recense que 120... Nous avons donc créé une carte afin de dresser la liste des villes de France placées sour vidéosurveillance. Cliquez ici pour savoir comment vous pouvez nous aider à la compléter.



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